un long et beau voyage en France
en immersion dans un “vide”, plein de sens
Fin Juillet, dans les rues surchauffées de Paris, la nuit, en quête d’un peu d’air respirable, entre larmes de colères, de peur et de tristesse, résonnait le son creux et sec de mes sandales sur le macadam dégoulinant. Un choc si fort, que seul le recours au nihilisme, au vide pouvait me permettre d’envisager un pas de plus. Je suis personne, personne n’existe, cela n’existe pas, le vide. Et puis, posé sur une place en pente du 18eme arrondissement, un hommage à Eugène Carrière, le symbole de la mère, des larmes d’amour et ces textes : “Authenticité n’est vérité, pas plus que le moulage n’est de l’art, c’est le sens qui est vrai. C’est l’art qui renouvelle le verbe en découvrant toujours à nouveau les origines de nos émotions.” “L’amour fait l’homme, fort et riche de dons”
Il était temps de partir marcher . aimer . se consoler au contact de la nature. Cognac. Nontron. Augignac. Nexon. St Léonard le Noblat. Eymoutiers. Meymac. Le Puy en Velay. St Agrève. La Voulte sur Rhône. Die. Chatillon en Diois. Lalley. Mens. Chichilliane. Privas. St Joseph les Bancs. Mende. Rodez. Salle la Source. St Junien. De villages, en rivières, en marchés, en champs, en montagnes et en plateaux, nous avons pris le temps de remplir le “vide”.
Le temps des routes départementales, cartes routières et pique-niques à l’arrière de la voiture sur une couverture. Le temps des Parcs Naturels Régionaux, les campings à la ferme, les courses dans le super marché du coin et le calendrier des marchés des producteurs. Le temps des plateaux qui structurent nos géographies et histoires. Le temps de rencontrer des poètes qui mêlent savoir faire manuels et numériques. Le temps des artistes qui se sont nourris des forces telluriques de leurs paysages, exposés dans des écrins perdus sur des îles artificielles. Le temps des jardins partagés et des pavillons abandonnés. Le temps des cathédrales suspendues au dessus d’un volcan endormi. Le temps d’une bergerie bio et ultra moderne. Le temps des universités populaires, des accents, des gilets jaunes, des néo-ruraux, des hippies désenchantés, des zadistes et des urbains en vacance. Un espace qui raconte des histoires de résistance et de résilience.
Résistance au milieu des Millevaches, monter dans la cabane de Gégé, regarder mon grand s’ensauvager, participer à la préparation et à cuisson du pain, faire la course avec les garçons du coin et le chien, le soleil se couche, c’est incroyablement beau. Et en ce temps fort de l’été, elles et ils sont incroyablement belles et beaux. Les bébés sont joufflus, les bruschetta ont le goûts intense de ce qui est parfaitement simple, les bancs et les tables sont posés au milieu des vignes. Ici plus rien n’a de barre code.Résistance au pied du Vercors, les élever dans quelque 500 m de dénivelés, raconter le maquis, la lutte, la deuxième guerre mondiale, les dictateurs, les peuples, les guerres, la paix, l’histoire … pas après pas, on arrive au Pas de l’Aiguille. Le mémorial, la grandeur du paysage … et les marmottes qui se cachent sous la cabane du berger.
Résilience, il faudrait que ce soit tout le temps: ça recommence par la beauté d’un papillon et d’une libellule qui dansent au dessus de la rivière où les enfants jouent tout nus. ça continue, quand on discute sur la place du village avec Gaëlle et Pierre, que l’on se parle, que l’on s’écoute, que l’on écoute un disque de Can et que l’on conclue que tout est Politique. ça se concrétise, le long des chemins, sur les marchés et chez les producteurs. Prendre le temps de ramasser les mures, de reconnaître les châtaigniers et les chênes, les noisetiers, les noyers, les tilleuls et les hêtres. Prendre le temps d’attendre le jour du marché, pour que soit une fête. Prendre le temps de comprendre la valeur du travail d’une apicultrice.
Retour à Paris. Certains pourraient penser que la porte de nos vacances se referme, sur un monde qui ne serait que fabulation, qui n’existe pas, qui n’est que le vide… Ma conviction est que ce soit ici dans les rues grises, où là bas dans les champs brûlés, nous partageons le même Zeigest. Un même état mental de résilience, envers et contre un système contre naturel de sur-production, sur-consommation, sur-spéculation, sur-exploitation, qui nous a fait. Un même état mental de résilience, qui nous pousse à nous repenser individuellement et collectivement, à donner du sens à nos histoires.