“Love gets sweeter everyday”
“Nous clamons un amour sans faille pour la transformation du monde, pour son progrès et son amélioration, mais tout changement réel nous terrifie. Nous prônons le remplacement des objets qui nous entourent, mais nous espérons secrètement que cela n’altère pas notre identité : nous avons horreur de perdre ce à quoi nous tenons. Nous avons transformé le monde jusqu’à la moelle et pourtant ce changement nous paralyse : nous nous refusons à l’accompagner par un changement de nous-mêmes.” Emanuele Coccia
Dans notre atmosphère, mode de vie, paysages, habitats, écosystèmes vitaux … il y a ce décalage entre les clichés publicitaires dont on abreuve nos cerveaux et ce que je remarque, ce qui m’étonne, m’agresse, m’effraye. Il y a la matérialité du déni, délire collectif. Ne voyez vous pas les corneilles qui se multiplient quand les autres oiseaux ont crevé ? les embouteillages dans la moindre petite ville, qui enferment les rêves de liberté dans un habitacle mou surchauffé ? les beaux villages qui ressemblent à des décors DisneyWorld ? les plages sur lesquelles les enfants ramassent des bouts de plastique ? … La réalité des plaies ouvertes et des cicatrices écologiques est occultée, tandis que collectivement nous gaspillons de précieuses énergies et matières dans des infrastructures zombis : autoroutes, hypermarchés, pistes de ski en plastiques … dépenses d’un autre temps… dont on ne sait d’ores et déjà plus quoi faire tant elles nous empêchent de penser, bouger, respirer, aimer.
“Chaque moi est un véhicule pour la Terre, un navire qui permet à la planète de voyager sans se déplacer.” Emanuele Coccia
Je me souviens des larmes de ma maman quand elle m’a retrouvée dans les dédale de l’hôpital Bichat à la naissance de James. Est ce que si Aimée enfante, je sentirai aussi fort cette métamorphose de nous ? Aimée est née et je savais que maman allait partir. Pour tenter de la retenir dans mes bras, j’ai déposé mon bébé sur son dernier lit dans cet autre hôpital, nous venions de débarquer du train. Je n’arrivais plus à penser, plus à organiser mes sensations et mes sentiments. Et pourtant j’étais hyper présente. Je me souviens de la température douce de la fin de l’été au travers des feuillages, des odeurs du lait caillé dans un biberon, du son doux et chaud de la voix du médecin et du goût de la colère, mêlée à la peur et la sidération coincés au fond de ma gorge depuis déjà plusieurs semaines qui envahissait mon cerveau. J’étais ivre de sensations d’attachements, je ne m’appartenais plus, je n’étais plus l’enfant … et ma petite fille ne pleurait pas. Comme si elle attendait que je sois prête à lui prendre la main pour que nous partions ensemble dans les chemins. Le deuil, ces jours, ces semaines comme une suspension de la métamorphose, jusqu’à ce que l’on trouve un continuum, dans lequel s’inscrire : James et Aimée à faire grandir, à rendre libres dans un monde à +2°C. Un monde à aimer, pour s’y adapter, pour s’y métamorphoser.
Dans les interstices entre deux clichés : la vie, la beauté des intentions et actions qui fait vibrer l’atmosphère et nous métamorphose. Ce couple amoureux perché sur un seul vélib qui danse dans la circulation nerveuse du matin. Cet autre couple beaucoup plus âgé, qui s’installe devant une vitrine pour observer, contempler des objets et brocantes dépoussiérées. Ces balcons bordés d’une verdure flamboyante dans toutes les rues qui font l’impression d’un forêt verticale. Ces nuages chargés d’eau propulsés par un vent tourbillonnant qui éclatent de toute leur puissance le long des canaux qui abreuvent la métropole, tandis que nous les habitants nous abritons sous une bretelle de voie rapide. Ces musiciens qui dans un hommage Louise Michel tissent leurs racines et nous emportent dans un voyage bien plus haut que la butte Montmartre. Ce défilé d’enfants qui chantent leur désir à grandir ensemble jusqu’à la Bastille. Ce danseur qui nous hurle de ses mouvements que si nos ancêtres se sont accaparés les objets fétiches… nous n’hériterons jamais de leurs esprits.
Le monde que j’aimerais vous donner à aimer, nous le respirons, le mangeons, le vivons … avant qu’il ne s’inscrive dans nos nouvelles images dans lesquelles inscrire nos récits et fantasmes.
#KissAnIdea “Love gets sweeter everyday”