Les forces telluriques du vivant, Robustesse et Érosion …

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5 min readSep 13, 2023

Voilà de longs mois que je m’efforce de tenir avec Paul et les enfants, faire face, malgré les vents contraires et le temps trop long avant la bascule. Le vent hurle, les changements d’atmosphères éclatent en orages qui durent des nuits entières, les flux thermiques ondulent follement le long des flancs du globe, les nuages continuent de se gonfler en châteaux d’eaux aériens. Quand tu étais là, sur les plages souvent tu jouais à faire s’écouler du sable entre tes doigts, sur notre peau. Aujourd’hui j’ai l’impression que c’est une partie de ce qui faisait notre quotidien qui file et s’effondre comme un château de sable. Je me pensais forte d’évidences scientifiques, d’un mode de vie aligné, “qui fait sens”. Et puis c’est la frayeur qui m’emporte, quand je me rends compte à quels points il n’y a plus de réflexions, miroirs … seulement l’incompréhension, une incapacité à saisir un même objet, une même relation au monde. La panique d’avancer sur un route périlleuse, sans filet pour Paul et moi, mais aussi pour nos enfants … car mes positions ontologiques nous isolent : elles sont trop coûteuses, fatigantes et non reconnues, stériles. Se tenir au bord du monde dans la tempête, quand tout se dérobe.

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Le ciel se déchire, les branches de rosiers soufflées par les courants d’air montent et puis s’effondrent. Le vent, l’orage, la pluie. Le ciel se déchire enfin. On respire l’odeur violente de la pluie qui s’abat sur la terre qui a soif. L’eau coule, s’insinue entre les larmes et la sueur. “Il faut que tu lâches, tu ne peux pas tout retenir, tu ne peux pas tout résoudre”. Il faut lâcher, laisser partir … ce qui finira par partir de lui même. L’eau coule creuse, cure et érode pour emporter le surplus, ce qui est presque mort. Ce qui n’a plus de vie, plus de sens, ni utilité est arraché par les éléments qui dépassent nos volontés. Reste les roches rousses et douces, la force tellurique.

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Marcher sur les volcans. Marcher au bord des causses. Le vent, les pierres sonnantes, les milans, les hirondelles, martinets, bergeronnettes, les mures, la lavandes, les herbes folles, les pins, les hêtres et les noisetier, les vaches aux yeux noirs, les chevaux et leurs amis les ânes, les coco-cochons … mettre un pied devant l’autre, se mettre dans le mouvement des éléments du système terre. Nous marchons, nos cheveux volent follement. Quelques nuages ponctuent les pics érodées. Le 15 Août 2023, sur le mont Gargo, nous avons croisé 2 autres humains. Colères, incompréhensions, manques de communication, hypocrisies, dissociations cognitives, lâchetés … frottées, grattées par la rigueur de la réalité, sont arrachées et emportées tels de vulgaires déchets à enfouir sous des couches de sables, sédiments et argiles à la mer, pour qu’ils ne soient plus qu’un moment dans les strates du temps.

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Reste un inconnu à découvrir, à lire, à réfléchir. Un nouveau miroir pour esquisser une identité, poser des repères dans un paysage à embrasser à la mesure de ce que peuvent nos jambes. Des canopées, des feuilles, des baies, l’ombre d’un mouvement furtif, un chant lancinant qui semble nous accompagner, un changement d’atmosphère, une pluie qui traverse le ciel. J’aime marcher seule pour mieux me concentrer sur les frémissements, les lumières, les odeurs … et tenter de les classifier pour les mémoriser. On ne se connaît pas encore. Je ne reconnais rien, je ne sais rien, ici je ne suis rien. Jour après jour, pas après pas, le décor de la “nature” devient espace et temps de vies et morts. Un espace temps où j’ai l’impression, où j’ai envie de commencer à exister, à balbutier, à réagir. Un espace temps merveilleux, où j’éprouve une joie profonde à re-être au monde, à re-être en apprentissage, à re-sentir des émotions profondes. Un espace temps merveilleux et donc affreux, où les déséquilibres engendrés par les humains explosent à la gueule. Je marchais, la rivière courait dans le fond de la gorge ombragée, j’imaginais les prochaines baignades … et le silence m’a surprise. Dans l’ombre j’ai fini pas décrypter ce brun gris grignoté que mon cerveau n’avait pas voulu voir, tant il dissone dans le cliché “la forêt l’été” … une nuée de papillons bleus s’écrase sur mon visage, et j’ai pleuré. J’ai pleuré pour le buis. Cet arbuste vert profond gras et persistant qui t’enchantait par sa force sauvage … se meurt, ravagé par un insecte importé. J’ai pleuré sur le buis et notre cupidité et notre stupidité et mes peurs et leurs aveuglements.

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Les larmes coulent, le temps coule. Les tristesses et les colères s’écoulent. Et nous restons. Nous restons entre les nuages et les herbes folles, nos cheveux s’emmêlent dans les grands vents où jouent les sternes. Les enfants rient et chahutent. Nous sommes sur Terre. Les burons, les écluses, les chênes, les marais, les tomates, les brebis et les étoiles restent. Quand j’avais 10 ans, je me suis allongée au sol : je regardais l’univers, je tentais d’imaginer Saturne … et sous mon dos je sentais fourmilier l’herbe, les brindilles qui poussent, les sauterelles, les gendarmes, les araignées qui vaquent à leurs occupations urgentes. Reste la robustesse ce qui nous rend heureux : avoir du temps pour regarder les nuages … et de l’espace pour se tenir par la main. Ce lien qui passe de toi à nous qui sommes vivants, la solidarité, ce qui nous tient solidement ensemble comme des rocs.

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des marques vivantes pour faire valoir les engagements, les efforts, les arbitrages des organisations à dépasser les status-quo économiques.