Les Arcs 2047, toujours vernaculaire
Ici la neige fondue devient une gadoue riche et chuintante. Elle a l’odeur de la décomposition des bouses de vaches et des herbes de l’été dernier. Là bas, une fumée s’échappe. Mais même si le froid et la neige se font rares, les bêtes ont été descendues dans la vallée... Des familles se sont réinstallées par intermittences, en fonction des opportunités de boulot, en fonction des aléas biophysiques. Entre les chalets et les cabanes, les chemins entre les pierres et les rochers doux couverts de lichen. Ils suivent les courbes de niveaux, négocient au mieux les traversées de rivières. Le lichen rend les roches vivantes, plus douces, plus chaudes. Depuis quelques années déjà, les chemins ont repris leurs cours d’avant, au travers des prés et des bois, malgré les propriétés.
Pour le moment le chemin semble désert. Dans le grand silence on entend plus loin, l’eau qui gargouille en descendant à toute vitesse. Les rubans accrochés lors de la dernière fête dans le grand mélèze frissonnent dans le vent. L’écho amplifie tous les frémissements, froissements, tiraillements, déplacements de ceux qui font l’atmosphère, entre les étoiles et les roches géologiques.
Une biche était là. Là entre les arbres. Son regard lourd a transpercé les branches nues des haies. Sa présence s’est imposée à toute la montagne. Elle a cligné des oreilles, comme on cligne d’un œil, comme on esquisse un sourire. Elle est restée comme ça suspendue dans mon regard, de l’autre côté de la haie, et puis hop, hop, hop… elle s’est envolée dans bois. Quel est son message ? Quel est le présage ? Que dois-je lire dans le paysage ? La biche, la rivière, cette terre, ce chemin, cette haie … et moi sommes rassemblés dans une reconnaissance d’êtres et savoirs. Ce qui semblait naïf à mes parents, grand parents : les fleures, les bêtes au bon Dieu, le temps qui fait … s’impose par la force des nécessités et des évidences scientifiques selon un nouvel ordre : la préservation du vivant.