la force du vivant

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8 min readApr 4, 2020

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Ceux qui me connaissent un peu seront peut être étonnés, mais oui je suis restée à Paris ... des parcs clôturés, des mauvaises herbes, les canyons de béton avec pour seuls échappatoires le vent dans les cheveux lors d’escapade dans les rues désertes en vélo. Pas de grands espaces, pas de jardins, pas d’horizon … au plus loin de ceux qui nous sont chers, loin de mon père, ce symbole de la force du vivant … Confinés avec des enfants qui jours après jours structurent leurs capacité à se réfléchir dans leur environnement … Coupés artificiellement du principe du vivant, de la nature … au moment même où la nature reprend ses aises. Espère MOI, Espère nous, s’il te plaît … Chaque nuit, chaque matin je hurle, je rage, je souffre de cette coupure du vivant… Est ce que je rêve d’une fuite en avant dans les champs ? oui cela arrive, le temps d’une vacance oui … mais participer par un choix individuel à la bétonisation des terres, non… Pour le printemps, nous avons préparé des “seeds bombs”. Lors de nos promenades dans le quartier, nous les éparpillons dès qu’un morceau de terre à nue perce sous l’asphalte. Ma manière de planter l’idée d’une ville plus vivable, plus vivante, inspirée du végétal dans le cœur des enfants.

#CrackTheWild, même les fleures crient … en attendant de fouler les fougères de la foret de Fontainebleau, mes idées vagabondes, s’aérant et randomnent, d’une écoute à un article, d’une brochure d’expo à un film : beaucoup de philosophes, de botanistes, agronomes, d’italiens (je ne sais pas pourquoi autant d’italianité souffle dans mon cerveau en ce moment, Va, pensiero, sull’ali dorate; Va, ti posa sui clivi, sui colli, Ove olezzano tepide e molli L’aure dolci del suolo natal!)

“La lutte pour la vie, la sélection naturelle, la survie du meilleur; choses qui, selon Darwin, régissent la nature mais certainement pas la culture” Johann Chapoutot. La loi du plus fort, serait l’inverse de la résilience. Alors qu’est ce qui pousse les espèces à résister ? Lamarck, n’est pas que le nom d’une station de métro … c’est le nom d’un naturaliste, une lumière pour la biologie. Pour Lamarck, il est éminemment complexe de comprendre l’organisation des êtres vivants, parce que chacun, de son intérieur se transforme pour s’adapter à son milieu. Lamarck cherche d’abord à comprendre et expliquer les êtres vivants en tant que phénomènes physiques, et c’est pourquoi il invente la biologie et élabore une théorie des êtres vivants : la force vitale.

“Comprendre les plantes permet de comprendre ce que signifie “être au monde” … Tandis que les plantes permettent une continuité parfaite entre ciel et terre, entre notre planète et le soleil, cette continuité même garantit la vie … La vie en tant qu’exposition intégrale, en continuité absolue et en communion globale avec l’environnement ... Les plantes se confondent littéralement avec le monde qui les accueille pour mieux le modifier et elles n’y parviennent que grâce à la semence. C’est ainsi que s’opère au travers de la vie végétale, la production de matière et de masse organique dont la vie se compose et se nourrit… La vie n’est jamais cloisonnée dans un seul milieu, mais elle rayonne dans tous les milieux, elle fait des milieux un monde, un cosmos dont l’unité est atmosphérique” Emmanuele Coccia. L’œuvre Symbiosia de Thijs Biersteker et Stephano Moncuso, à mi-chemin entre l’art et les sciences “technologico-poétique” nous donne un nouvel éclairage sur l’intelligence des arbres, en dévoilant l’existence d’un magnifique et quasi prodigieux réseau d’associations symbiotiques grâce auquel, chaque plante et chaque arbre communiquent entre eux pour prospérer en tant qu’ensemble. “Tout un réseau s’est construit selon les réactions chimiques. Les motifs étaient très impressionnants” Chloé Jeanne. “Les racines donnent des multitudes de petits arbres qui peuvent devenir une forêt issue d’une graine unique. Et ça peut durer des dizaines de milliers d’années. Pour d’autres arbres, les branches poussent, elles touchent le sol et s’enracinent avant de donner de nouveaux arbres qui feront pareil. Tant qu’il y a de la place et que les conditions sont bonnes, ça continuera comme ça … Le plus vieux arbre est en Tasmanie, il s’appelle Laumatia Tasmanica. Il y a trois kilomètres de clones le long d’une rivière. Il faut analyser le génome pour comprendre que c’est UNE graine … On a publié cette définition dans Intelligence dans la nature : est intelligent tout être vivant capable de faire face aux difficultés qu’il rencontre dans sa vie. Cette capacité repose sur deux talent : savoir apprendre et garder en mémoire ce qui est appris pour pouvoir l’utiliser ensuite” Francis Hallé.

Je vis avec les arbres, sans qu’on se fasse de tort ni à l’un ni à l’autre. C’est déjà énorme. Ils aimeraient bien que ce soit toujours comme ça” Francis Hallé. “Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. Il supposait que c’était une terre communale, ou peut-être, était-elle propriété de gens qui ne s’en souciaient pas ? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.” Giono. Être au monde comme les plantes. Une nouvelle métaphysique, cosmologie basée sur la biologie, la cellule, les échanges nécessaires à la vie. Une cosmologie animiste, des humains qui reconnectent avec leur habitat naturel l’atmosphère, le vivant, les arbres. “Il n’y a rien de purement humain, il y a du végétal dans tout ce qui humain, il y a de l’arbre à l’origine de toute expérience” Emmanuele Coccia.

“L’atmosphère, un fluide cosmique au sein duquel tout communique, tout se touche et tout s’étend” Emmanuele Coccia. L’atmosphère comme une nouvelle matérialité du vivant. L’atmosphère la matérialité où tout est dans tout car le contenu est le contenant. “Il n’y a pas de distinction entre humain et non humain, entre nous et le monde. En outre, l’acte de souffler, de respirer, incarne une réciprocité fondamentale : “ce qui nous contient, l’air, devient contenu en nous et, à l’inverse, ce qui est contenu en nous devient ce qui nous contient”. Non seulement il n’y a pas de séparation entre nous et la matière monde, mais chacun de nos corps est traversé par celui de l’autre : on ne vit que la vie d’autrui”. Emmanuele Coccia. L’atmosphère pour faire monde, comme condition de notre être au monde, comme première expression du vivant. “Ce qui m’intéresse c’est cette ambiguïté dans l’échelle de la représentation — infiniment petit / infiniment grand — et ce rapport au temps et à l’espace. On entre immédiatement dans ce type de perception microbiologie et astrophysique, monde inconnu et monde qui nous constitue” Chloé Jeanne.

Dans la biodiversité, le nuisible n’existe pas, répète Gilles Boeuf.“Le plus gros problème avec l’être humain, c’est qu’il se croit beaucoup plus malin que les plantes. Il est tout le temps en train de les tailler, les déplacer, les remuer” Francis Hallé. Éduquer les enfants pour faire pousser dans la pensée de l’homme occidental que la nature n’est pas un consommable nécessaire, pour nous nourrir, pour nous divertir … mais qu’il est, comme la nature inclus dans le vivant. (je parle de l’homme occidental, parce que je pense que la femme occidental souffre de cet homme là que l’on dit neutre…)

“La fleur, un instrument actif du mélange : toute rencontre et toute union avec d’autres individus se fait par elle.” Emmanuele Coccia. La fleur est définie dans sa dimension sexuelle, considérant le sexe comme un mouvement du cosmos dans sa totalité. “Je crois que c’est l’esthétique qui m’a attiré en premier lieu vers le monde végétal. Si vous prêtez attention à n’importe quelle plante, quelque soit l’échelle, vous reconnaîtrez que c’est très beau” Francis Hallé. L’humain, le sapiens, capable d’imaginer le pire et le meilleur, capable de se donner tant de mal pour une quête d’absolu la beauté, la poésie. L’art, le langage du stupéfiant image, un processus de création poétique qui propose à la communauté des humains les moyens de pratiquer ce cosmos des plantes et des arbres, un chamanisme végétal, un folklore jardinier. Faire rentrer par la danse des fleures les humains dans la communauté des vivants. Cultiver notre notre capacité de symbiose avec les autres, avec d’autres espèces, et d’influencer sur l’atmosphère.

Atmospheres of Democracy (Making Things Public, Bruno Latour). At a time in which many people doubt and despair of politics it is crucial that they should not be fobbed off with standard political responses to contemporary problems but that the question of what actually constitutes politics should be raised anew.

“S’il est vivant, c’est qu’il n’est pas mort: il a su résister … Nous passons notre temps à dégrader notre environnement, et les plantes, à améliorer le leur” Francis Hallé. “Jusqu’à nouvel ordre”… en attendant de pouvoir faire l’expérience d’une complicité quotidienne avec les arbres … en attendant de se métamorphoser dans l’effort d’attention et d’introspection … en attendant de se métamorphoser dans l’effort de contraindre nos pulsions de domination, d‘accaparation … pour laisser de l’air à l’autre, pour se nourrir d’une richesse nouvelle, pour que tout le monde gagne.

“Jusqu’à nouvel ordre”… et par la fenêtre je perçois ce père et son enfant sur le dos, sortir de l’hôtel comme chaque jour en quête de denrée. Ce père et son enfant qui matins après matins affrontent le rue désertée de vie. Ce père qui malgré le masque de l’inquiétude chante pour son enfant, emmitouflé sur son dos. Il faut que je sorte de mon air raréfié, il faut que je propose à ce père de changer l’atmosphère de sa fille : un jeu, une boîte de feutres, un doudou peut être … Je veux faire partie des vivants. “Ma préoccupation est de toujours garder un fil avec le vivant” Chloé Jeanne

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des marques vivantes pour faire valoir les engagements, les efforts, les arbitrages des organisations à dépasser les status-quo économiques.

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